L'ancien Premier Ministre a écrit une tribune retentissante dans « Le Monde » daté du samedi 14 avril dernier. J'ai eu envie de lui répondre.
Monsieur le Premier Ministre, c’est avec tristesse que j'ai pris connaissance de votre tribune dans le journal « Le Monde » intitulée « Royal-Bayrou, l’alliance nécessaire ». Tristesse parce qu’au-delà de mon appartenance politique, j'ai beaucoup de respect pour vous. Tristesse parce que l'apôtre du « parler vrai » m'avait accoutumé à plus de retenue. Tristesse enfin parce que l’auteur de « si la Gauche savait » avait habitué les Français à moins de manichéisme. Entendons-nous bien, loin de moi l’idée de critiquer votre stratégie consistant à vouloir rassembler les sociaux démocrates de tous bords. Cette proposition, je le sais, est cohérente avec votre parcours. On pourrait simplement s’interroger sur l’efficacité d’une telle démarche au regard de votre première tentative en 1988 lorsque vous étiez à la tête du gouvernement. On pourrait surtout vous rétorquer que cette alliance ne serait qu’un jeu politicien qui ne pourra masquer longtemps l’absence de stratégie pour la France des principaux protagonistes. Le « quinquennat » Jospin comme les quatre années de M. Bayrou au ministère de l’éducation nationale me permettent d'afficher ce doute. On ne sait pas quelles seraient les propositions concrètes de ce tandem bancal pour relever les défis majeurs de la France du 21ème siècle comme la révolution du vieillissement, la sauvegarde de la planète et la mondialisation. Le savez-vous vous-même ? Peu importe ! Ce n’est pas au militant UMP que je suis de définir le programme et les alliances du parti socialiste. Non, ce qui est choquant dans votre texte c’est d’une part d’affirmer que dans l’hypothèse d’une victoire de Nicolas Sarkozy « la France va souffrir » et d’évoquer, sans fondement, « la coalition de Nicolas Sarkozy et de Jean-Marie Le Pen ».
La première affirmation me rappelle les déclarations les plus binaires du début des années 80, j'avais 12 ans mais comment ne pas s’en souvenir, lorsque votre ami Jack Lang expliquait que nous étions passés de l’ombre à la lumière. Vous affirmez que les classes moyennes et populaires vont souffrir avec la Droite. Pardon de vous rappeler que c’est un gouvernement de droite qui a réformé les retraites permettant à ceux qui ont commencé à travailler à 14 ans d’en bénéficier plus tôt. Cette réforme, vous en aviez rêvée, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon l’ont réalisée. C’est aussi un gouvernement de droite qui a mis en place le plus ambitieux programme de logement de ces vingt dernières années. C’est également l’actuel gouvernement, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, qui a permis de faire baisser durablement le chômage. C’est aussi la Droite qui a redonné à chacun, à commencer par les plus faibles, la première des libertés, celle d’une meilleure sécurité. Votre affirmation est plus partisane que véridique. Elle l’est d’autant plus à la lecture du projet de Nicolas Sarkozy. Il est avant tout social : par le droit opposable au logement, par l’encouragement à l’accession à la propriété dans le parc HLM, par la revalorisation des petites retraites, par l’aide au pouvoir d’achat notamment avec l’augmentation (+25%) et l’exonération fiscale des heures supplémentaires, par des études dirigées dans les écoles pour les orphelins de 16h…
Votre seconde affirmation est encore plus diabolique. Elle est Mitterrandienne. François Mitterrand agitait le chiffon rouge du FN pour construire ses victoires électorales, vous allez plus loin en parlant de coalition. Cette allégation est aussi mensongère qu’insultante tant ma famille politique est à l’opposé de l’idéologie de M. Le Pen, tant Nicolas Sarkozy est un républicain irréprochable. Ses origines, son histoire et ses actes parlent pour lui. Au lendemain des régionales de 1998, il a été un des dirigeants de la droite républicaine les plus courageux pour dénoncer les tentations de certains notables. Sous l’autorité de Jacques Chirac, grâce à lui, et à Philippe Séguin et Alain Juppé en particulier, la droite républicaine a préféré perdre des régions plutôt que de perdre son héritage gaulliste. Vous oubliez qu’il a été le premier responsable politique, ayant sa dimension, à affronter publiquement Le Pen. Vous devriez revoir ce débat. Vous y verriez un Nicolas Sarkozy ne ménageant pas son adversaire et s’opposant à lui sur tout. Simplement M.Rocard, à la différence du parti socialiste qui n’a tiré aucune leçon du désastre du 21 avril, Nicolas Sarkozy assume le fait de vouloir agir pour les Français qui souffrent. Vous savez ces français qui ne supportent plus que les revenus du travail soient égaux ou inférieurs aux revenus de l’assistance. Ces Français qui veulent pouvoir vivre en sécurité dans leurs quartiers même s’ils sont qualifiés de « difficiles ». Ces Français qui veulent croire encore et toujours à la France. Ces Français, ils sont de toutes origines et souvent issus des milieux les plus populaires. Certains par désespérance ont voté par le passé front national. Beaucoup venaient de la Gauche. Le PS les a méprisés. Nicolas Sarkozy a décidé de répondre à leurs préoccupations. Il le fera comme républicain engagé, soucieux de lutter contre toutes les discriminations, de garantir l’égalité dans notre société à commencer par celle entre les hommes et les femmes et de donner sa chance à tous les enfants de la République. Le républicain que vous êtes devrait s’en féliciter. Sachez que la coalition que vous annoncez sans preuve mais par pures tactiques électorales serait pour beaucoup, en particulier pour moi, une trahison. Fort de cet état d’esprit c’est en conscience et en confiance que je soutiens Nicolas Sarkozy.
Franchement, cher Michel Rocard, à la lecture de votre article il me paraît bien loin le temps, lorsqu’un soir du mai 1981, place de la Bastille, face à une foule exubérante et revancharde, vous appeliez à ne pas stigmatiser ceux qui avaient fait un autre choix. Remenber Monsieur Rocard.