Je vous invite à prendre connaissance de l’intervention que j’ai prononcée ce matin à l’occasion de l’hommage du conseil de Paris à Philippe Séguin.
« Monsieur le Maire,
Madame,
Chers collègues,
Rendre hommage à Philippe Séguin, c’est saluer la mémoire d’un esprit libre de la République.
Il considérait en effet que l’on ne pouvait pas faire de la politique honnêtement sans être libre.
Ce devoir de liberté qu’il m’a transmis, je tiens ce matin à en être digne.
Si je remercie avec amitié, Jean-François Lamour de m’avoir proposé de prendre la parole au nom de mon groupe il ne peut être question pour moi de m’exprimer au nom d’un parti, fut-il le mien, tant le Président Séguin refusait les approches partisanes.
Tant il était attaché aux dépassements des clivages.
Alors qu’à travers de nombreux discours, il n’avait pas épargné la Gauche française, beaucoup d’hommes et de femmes, dirigeants ou sympathisants de Gauche ont su, souvent avec tact et sincérité, partager notre peine immense.
Preuve ultime s’il en était besoin que Philippe Séguin savait transcender les clivages et toucher au cœur, au-delà de leur sensibilité, beaucoup de français.
Cet état d’esprit, Monsieur le Maire vous en avez saisi le sens.
Vous qui avez été son adversaire, vous avez su, ce matin, allier élégance et authenticité.
Au delà de vos différences et de vos divergences, il était, comme vous Monsieur le Maire, lui aussi un enfant de Tunisie. Comme vous, je crois, jamais il ne l'a renié, jamais il ne l'a oublié.
Là-bas étaient ses racines. Là-bas était né, plus grand que tout, son désir de servir la France.
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Dans son éloge funèbre, le Président de la République s’adressant à Philippe Séguin lui dit à juste à titre « de toi il ne restera ni une théorie, ni une doctrine » il faisait ainsi écho, sans doute, à l’un de ses plus beaux discours, intitulé « de la République » qu’il prononça le 8 décembre 1993.
« Entendons nous bien - disait Philippe Séguin, à propos de la République- il ne s’agit pas d’idéologie, il ne s’agit pas de doctrine. Il n’y a pas d’idéologie républicaine, ni de doctrine républicaine. Il n’y a rien dans la république qui soit comparable au socialisme scientifique, à l’individualisme méthodologique ou à la doctrine utilitariste. Non la république c’est un idéal, c’est une morale. »
Aujourd'hui, Philippe Séguin est parti. Il nous lègue bien plus qu’une doctrine. Il nous laisse beaucoup. Il nous laisse, avant tout, une haute conception de la politique.
Le respect d’abord. Celui des institutions et des hommes qui les incarnent. J'ai en mémoire le débat télévisé qu'il avait eu avec François Mitterrand au moment du référendum de Maastricht. Il voulut s'en tenir à son rôle : celui d'un simple citoyen dialoguant avec le président de la République, non pas celui d'un politicien débattant avec un adversaire.
La fidélité, ensuite. Celle qui le plaça, au moment de l'élection présidentielle de 1995, aux côtés de Jacques Chirac, quand bien d'autres s'en détournaient, séduits par la douce musique des sondages.
La liberté, aussi. Il voulait vivre en homme libre. Et il le fut : rappelons-nous de son prophétique discours sur le Munich social : la crise internationale ne lui rend-elle pas raison, lui qui professait en 1993 déjà que le sacrifice de l'économie réelle à la bulle spéculative portait en germe les pires catastrophes ? On le vit alors Cassandre. Il n'était que réaliste.
L'intransigeance enfin : on ne badine pas avec l'essentiel, on ne vend pas son âme pour un siège ou pour une élection. En 1998, en accord avec Jacques Chirac, il avait rejeté toute forme d'alliance du RPR qu'il présidait avec le Front national. Des voix s'étaient élevées pour crier à l'inconscient : il va nous faire perdre ! Il tint bon et, si la droite républicaine perdit des régions, elle ne se perdit pas elle-même.
Monsieur le Maire, Mes chers collègues,
Philippe Séguin nous laisse une morale en politique. Il nous laisse aussi des idées, que vous me permettrez de regrouper sous le nom de « séguinisme », la rencontre peut-être improbable entre l'héritage du général de Gaulle et celui de Pierre Mendès-France.
Cette conception de l’action publique inspira et motiva sans doute sa décision de venir se présenter à Paris.
Comment ne pas l’évoquer dans cet hémicycle même si je suis très conscient que cet épisode fut bien douloureux pour lui, pour mon mouvement et pour chacun des membres de mon groupe.
Dans sa lettre ouverte « à ceux qui veulent encore croire à Paris », il appela sa famille politique au sursaut. Il écrivait « ils sont si nombreux ceux qui préfèrent être minoritaires plutôt que de voir progresser la cause dont ils sont les hérauts supposés. C’est le syndrome du colonel Nicholson, celui du pont de la rivière Kwaï » : on est si content d’être ensemble, de faire ce qu’on a fait, que l’on oublie l’objectif qu’on avait décidé d’atteindre ».
Cet appel, à regret, ne pût être entendu par tous.
Pris que nous étions dans le tourbillon de fidélités opposées aussi honorables que dévastatrices.
Quoique l’on ait pu dire de cette campagne, je retiendrais qu’il lança les bases de la rénovation de la droite parisienne. Il permit ainsi à une nouvelle génération d’élus d’émerger. Chacun d’entre nous, avons aujourd’hui encore plus qu’hier le devoir de perpétuer dans la capitale sa conception exigeante de la politique.
Je fus touché pour ma part de voir certains de mes collègues, qui n’avaient pas fait le choix de le suivre en 2001, assister avec sincérité, à l’hommage que la République lui a rendu, le 11 janvier dernier aux Invalides.
« Philippe Séguin- comme nous l’a rappelé François Fillon, lors de son vibrant et émouvant hommage à l’Assemblée nationale- se voulu acteur d’une épopée, mais il dut comme chacun d’entre nous, se résoudre à agir avec son époque. Il y avait en lui du Cyrano de Bergerac.
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Oui, mes chers collègues, toute sa vie Philippe Séguin aura été animé par le panache.
Plume hors pair, homme d’une grande culture, féru d’histoire, pétri de littérature, grand connaisseur du cinéma, il savait allier érudition et passions populaires.
Son enthousiasme pour le football n’était pas vain. Il en aimait la ferveur, la stratégie et la dramaturgie.
Désormais au Parc des Princes, dans la tribune Francis Borelli, un fauteuil sera vide.
Au sein de l’agora nationale, je sais que son regard tendre, parfois triste, son exigence intellectuelle, sa voix grave, si particulière, qui savait si bien dire non, vont terriblement nous manquer.
Au nom de mon groupe, j’adresse mes très sincères condoléance à son épouse et à sa famille.
De toute mon affection, chère Catherine, je t’embrasse ainsi que ta petite sœur Anne- Laure et tes frères Patrick et Pierre.
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Monsieur le Maire, je forme le vœu que Paris honore la mémoire de Philippe Séguin.
Je vous soumets l’idée que son nom soit associé au Parc des Princes.
Je vous propose en accord avec Jean-François Lamour et Claude Goasguen que nous y réfléchissions ensemble afin de trouver le meilleur emplacement dans l’enceinte même ou autour du stade.
Associer le nom de Philippe Séguin au Parc des Princes a du sens car il demeurera à jamais, dans l’esprit de beaucoup d’entre nous, un prince de la République… »