Je vous invite à prendre connaissance de l'intervention que j'ai prononcée ce matin au Conseil de Paris à l'occasion du débat sur la politique en faveur des personnes âgées.
"Monsieur le Maire,
Chers collègues,
Répondre à la révolution du vieillissement constitue le défi majeur de la puissance publique en matière sociale pour les trente prochaines années. Cette mutation profonde de nos sociétés due à l’allongement de la durée de la vie doit inviter les responsables publics à faire face à des enjeux multiples.
Enjeu de solidarité, autour de l’exigence que nous nous faisons du pacte républicain garant du vouloir vivre ensemble entre les générations.
Enjeu de gouvernance également parce qu’il est désormais nécessaire d’instaurer un véritable principe de subsidiarité entre l’Etat, la région, le département et la commune afin de rendre plus efficace les politiques publiques, de rationaliser les dépenses et d’éviter en permanence d’être dans le reproche réciproque.
Enjeu financier enfin parce que le financement de cette révolution du vieillissement doit nous conduire à explorer toutes les pistes permettant de répondre à la solidarité que toute nation évoluée doit aux seniors tout en n’omettant pas une autre solidarité nationale, celle qui consiste à ne pas faire hériter les générations de demain, des déficits publics d’aujourd’hui.
La révolution de l’âge doit nous inviter à avoir un autre regard sur la vieillesse. Mais Monsieur le Maire, la révolution du vieillissement ne doit- elle pas aussi nous mener à avoir une autre vision de l’action publique en la matière ? Celle qui consiste à dépasser les clivages, celle qui oblige chaque responsable à sortir de son pré carré pour être un serviteur de cette cause nationale…
Monsieur le Maire, la révolution du vieillissement est un bouleversement !
Oui un bouleversement aux conséquences innombrables qui imposeront, j’en suis convaincu, à l’ensemble des pouvoirs publics des exigences devant allier complémentarités, créativités et humanisme.
Votre communication Monsieur le Maire va-t-elle dans ce sens ? A sa lecture, je crains que non et croyez bien qu’avec mon groupe, nous le regrettons tant nous aurions apprécié de votre part un discours plus en lien avec la réalité et l’importance du sujet.
Malheureusement votre communication se réfugie dans l’autosatisfaction et s’évertue à créer des polémiques.
Autosatisfaction quand vous parlez du développement du bénévolat notamment au travers des CAS d’arrondissement alors que votre majorité n’a eu de cesse de vouloir déresponsabiliser les bénévoles. Joëlle Chérioux de Soultrait y reviendra d’ailleurs dans un instant.
Autosatisfaction encore lorsque vous abordez l’emploi des seniors alors que votre Plan Départemental d’Insertion avait oublié d’inscrire dans ses publics prioritaires les seniors soit un tiers des allocataires du RSA.
Autosatisfaction également en faisant si j’ose dire du vieux avec du neuf. Vous nous proposez ce matin trois dispositifs. Certes, nous les voterons. Mais répondent-ils aux exigences de la révolution du vieillissement ?
Ainsi vous proposez de remplacer l’Allocation Ville de Paris (APV) par Paris Solidarité en relevant le plafond de revenu des bénéficiaires de 775€ à 840 €. L’ouverture du dispositif complément santé aux allocataires de « Paris solidarité » comme l’extension de Paris Logement sont des décisions qui ne peuvent susciter des désaccords de notre part. Ils représentent un total de 37 millions d’euros soit l’équivalent des investissements pour les voies sur berges. Cette comparaison illustre d’ailleurs vos priorités. Ces mesurettes vous donnent sans doute bonne conscience vis-à-vis des plus défavorisés mais elles ne correspondent en rien aux besoins de Paris notamment pour permettre aux classes moyennes de rester dans la capitale au moment de leur retraite.
Les rentrées fiscales importantes, les augmentations des impôts et les droits de mutation fleurissants auraient du vous conduire à plus de solidarité en particulier pour les classes moyennes seniors non propriétaires. Ces dernières subissent de plein fouet à Paris la conjugaison de trois phénomènes : la baisse de revenu intrinsèque à l’entrée en retraite, le coût de la vie supérieur à la moyenne nationale et le taux d’effort en matière locative là aussi supérieur au reste de la France.
Comme pour le logement social il y a une réalité des classes moyennes que vous vous refusez à prendre en compte.
Mes chers collègues, quant à la polémique, Monsieur le Maire, elle au cœur de votre communication. En particulier sur le désengagement de l’Etat et à commencer sur le financement de l’APA. Si les chiffres que vous communiquez sur le recouvrement de l’APA à Paris par l’Etat sont exacts, votre interprétation en est pour le moins trompeuse.
D’abord pour qu’il y ait engagement, il faudrait que loi y oblige. Ce qui n’est pas le cas. Rien ne l’indique dans le texte de loi porté par mesdames Guigou et Guinchard-Kunstler. Dois-je vous rappeler que lors de la création de l’APA, aucune réflexion sérieuse quant à son financement n’ avait été menée.
Ensuite votre communication passe sous silence ce qu’est aujourd’hui le financement de l’APA, c'est-à-dire un système de péréquation et de solidarité nationale entre départements pauvres et départements plus aisés.
Paris est un département dans lequel la proportion des personnes de 75 ans et plus n'est pas très importante et comme je l’évoquais vos choix politiques n’y sont pas pour rien dans ce résultat, avec 7,4 % de 75 ans et plus, notre département est dans les 25% de département ayant le taux le plus faible, mais surtout c'est le département qui a le potentiel fiscal le plus élevé.
Votre communication en critiquant l’Etat remet donc implicitement en cause ce mécanisme de péréquation entre départements, opéré par les critères de répartition ayant vocation à aider les départements pauvres à forte densité de personnes âgées dépendantes. Je vous laisse le loisir d’en disserter avec vos collègues, parfois de gauche, Présidents des Conseils généraux bénéficiaires de cette péréquation.
A cela s’ajoute que lorsque l’Etat est aux avant postes vous minimiser son rôle, je pense en particulier au plan Alzheimer dont au niveau local vous en revendiquez les résultats. J’ai à l’esprit notamment la création des MAIA.
Mais au delà de l’autosatisfaction et des polémiques avec l’Etat votre communication effleure le sujet crucial dans le débat qui s’ouvre sur la dépendance : le Reste à Payer ou Reste à Charge pour les familles. Est-ce volontaire ? Comment pouvez dans une communication sur la politique de la ville relative aux personnes âgées ne pas l’approfondir ?
Ce sujet est pourtant central pour toutes les familles parisiennes en général et pour les classes moyennes en particulier. Pour elles c’est autant un enjeu humain qu’un défi financier colossal. Il peut varier à Paris en moyenne entre 2200€ mensuel et plus de 5500€. On aurait aimé sur ce sujet, Monsieur le Maire, vous entendre plus. Vous ne pouvez ignorer ces familles. Vous ne pouvez vous réfugiez derrière votre sempiternelle antienne « c’est de la faute de l’Etat ». Face à une situation qui lui est propre, la ville doit prendre ses responsabilités. Le débat voulu par Nicolas Sarkozy et organisé par le gouvernement de François Fillon s’engage, Paris doit y tenir son rang. Pour notre part nous voulons confrontés toutes les idées novatrices et pouvoir faire la synthèse entre une solidarité nationale indispensable, une solidarité municipale nécessaire et une prévoyance individuelle envisageable.
Cependant, il serait injuste de ma part, Monsieur le Maire, de dire que votre communication, n’évoque pas deux enjeux décisifs pour venir en aide aux seniors : l’accompagnement pour le maintien à domicile et la lutte contre la solitude.
L’accompagnement des personnes âgées pour rester à domicile, est la première des missions de la ville tant il montre notre attachement à la liberté de choix, tant cela est plus rassurant, plus épanouissant pour les personnes concernées et tant, pourquoi ne pas le dire, cela est moins coûteux pour la collectivité.
C’est pourquoi notre capitale devrait être plus en pointe concernant le développement de la gérontechnologie, si on peut se féliciter des expérimentations comme télégéria et EMGE, notre ville doit aller encore plus loin dans ce domaine.
Quant à la lutte contre la solitude, elle doit être une préoccupation de chaque élu comme de chaque citoyen.
« La solitude est une gangrène sociétale qui provoque des pathologies lourdes » expliquait récemment le professeur Alain Franco. Indiscutablement au lendemain du drame de la canicule il y a eu dans notre pays et dans notre ville une prise de conscience. Sous votre autorité des initiatives ont été encouragées. Mais nous devons là aussi être plus ambitieux Nous le devons parce la solitude demeure le premier des maux urbains.
Monsieur le Maire, Paris a toujours eu un temps d’avance, si j’ose faire mien ce slogan, oui Paris a toujours eu un temps d’avance pour accompagner avec humanisme et générosité ses seniors
A la lecture de votre communication sur l’action en faveur des personnes âgées d’ « un temps d’avance » Paris passe à un temps d’arrêt. Il est donc « temps » de réagir."