Le Maire de Paris ne présidait pas la séance. La Maire du 4ème arrondissement, inscrite parmi les orateurs, n’est au final pas venue. Pourtant la majorité municipale ne rate pas une occasion de présenter l’aménagement des voies sur berges comme la vitrine d’une nouvelle gouvernance de la cité. Pour la majorité, le projet est, par définition, moderne et la manière de le mettre en place l’est encore plus. Etre contre, c’est forcement être un ringard de droite. A l’occasion du débat d’aujourd’hui au Conseil de Paris sur l’enquête publique relative à l’aménagement des voies sur berges, je suis intervenu pour poser quelques questions sur cette soi-disant modernité. Conclusion : le moderne ne serait-il pas un peu ringard ! A vous de juger. Pour cela, je vous invite à prendre connaissance de mon intervention.
"Monsieur le Maire,
Chers collègues,
A l’instar de ce que j’ai pu entendre lors du dernier conseil du 4ème arrondissement, votre majorité a décidé de faire du projet de l’aménagement des voies sur berges l’emblème et le symbole de sa soi-disant modernité.
S’y opposer serait à vous entendre la quintessence de la ringardise.
Critiquer votre projet, c’est immédiatement être qualifié, je cite la Maire du 4ème, de « caricatural » et de « démagogue »…
Monsieur le Maire, au-delà de la nuance de tels propos que chacun appréciera, votre majorité souhaite faire de ce projet la vitrine de sa conception paraît-il audacieuse de l’action municipale.
Grand bien lui fasse. Les Parisiens pourront ainsi apprécier votre vision de la modernité. Permettez moi de les inviter à se poser quelques questions.
Comme par exemple celle consistant à savoir s’il est moderne de ne pas respecter ses engagements auprès des électeurs. N’aviez-vous pas fixé lors des dernières municipales deux conditions indispensables à toute initiative en matière d’aménagement des voies sur berges? La première, selon vous, résidait dans la baisse du volume de la circulation, la seconde dans la création de transports collectifs de report. Objectivement, Monsieur le Maire, vous aviez raison. Et vous feriez preuve d’une très grande originalité en disant que ces deux conditions sont désormais réunies.
Ensuite, Monsieur le Maire, est-ce moderne de faire voter un projet par le Conseil de Paris puis d’organiser une concertation dont on sait par avance qu’elle ne remettra pas en cause le vote déjà acquis ?
Est-ce moderne de balayer d’un revers de main les propositions de l’opposition ?
Est-ce moderne sur un sujet si crucial pour la ville de ne pas écouter la préfecture de police, la RATP et la chambre de commerce et d’industrie de Paris ?
Est-ce moderne d’augmenter le nombre de km de bouchon dans Paris et en conséquence d’augmenter la pollution ?
Est-ce moderne Monsieur le Maire d’organiser une enquête publique durant les vacances des Parisiens ?
Est-ce moderne de passer sous silence les 78,2 % de parisiens qui ont émis une opinion hostile au projet auprès de la commission d’enquête?
Est-ce moderne de faire passer les résultats de l’enquête comme favorables alors que dans les faits les conclusions du commissaire enquêteur sont plus que réservées pour ne pas dire sévères ?
Est-ce moderne de vouloir passer en force alors que la commission d’enquête émet une multitude d’incertitudes quant aux conséquences de ce projet liées à la vie des parisiens en général et des riverains concernés en particulier.
En matière, par exemple de nuisance sonore, la commission indique en page 47 de son rapport qu’en « l’absence d’information, elle ne peut déterminer une position précise ».
Il est de même en matière de patrimoine pour lequel le rapport indique page 55 que « l’absence de précision sur les aménagements projetés en particulier sur la rive gauche, ne permet pas à la commission de conclure à l’importance des impacts sur le paysage et le patrimoine ».
En matière d’usages et d’aménagements « la commission regrette que les usages pressentis ne soient pas davantage précisés mais surtout que les aménagements ne soient pas définis de façon suffisante pour en permettre une exacte appréciation ».
Concernant les conséquences sur le transport collectif, le rapport ne peut être plus explicite en indiquant qu’ « en l’absence d’offre supplémentaire significative dès 2012, la commission d’enquête est particulièrement réservée sur les possibilités individuelles de transfert modal. De plus, les encombrements de la circulation évoqués […] auraient un effet direct sur la vitesse de circulation des bus dont le ralentissement ne pourrait être qu’un facteur de désintérêt supplémentaire des usagers ».
Enfin et surtout, concernant la circulation, la commission souligne avec force en page 35 que « seule une expérimentation pourrait lever les incertitudes » et d’ajouter qu’ « il serait particulièrement important de procéder à un test en grandeur nature ».
Monsieur le Maire c’est exactement ce que mon groupe vous demande.
Nous vous appelons à être pragmatique. Vous savez le pragmatisme est certes une vision modeste de la modernité mais il a souvent conduit les décideurs publics à l’efficacité.
Quant à la modernité c’est souvent ceux qui en parlent le plus qui en font le moins.
Avoir des convictions, des idées, des projets, c’est ce qui honore la politique. Les croire infaillibles, cela peut-être désastreux.
La modernité en politique, Monsieur le Maire, n’est pas toujours dans la certitude. Elle peut être dans le doute.
Je vous invite à méditer cet aphorisme d’Oscar Wilde : « croire est ennuyeux, douter est absorbant »
Monsieur le Maire concernant votre projet des voies sur berges vous avez le droit voire le devoir d’émettre un doute, vous n’en serez que plus moderne…"