J’ai assisté jeudi au Panthéon à la cérémonie d’hommage aux Justes de France. Hommage à ces Français, des héros du quotidien, qui ont sauvé d’autres français de la barbarie nazie. C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai écouté Madame Simone Weil et le Président de la République. Un fois de plus, Jacques Chirac a trouvé les mots pour exalter « le courage […] la grandeur d’âme […] de ces milliers de françaises et de français qui, sans s’interroger, [firent] le choix du bien […] Pour tous, ce [ fut] une réaction venue du plus profond du cœur, expression la plus haute de ce que l’on nomme la charité.[…] Les justes de France reconnus ou anonymes ont contribué à protéger les trois quart de la population juive de France d’avant guerre de la déportation, c’est à dire d’une mort presque certaine[…] tous connaissaient les risques encourus : l’irruption brutale de la gestapo. L’interrogatoire. Parfois même, la déportation et la mort. » Le bilan de Jacques Chirac est exemplaire en matière de devoir de mémoire. Déjà en 1995, il avait fait honneur à sa mission en « portant » le discours du « Vel d’Hiv ». A l’époque, j’avais écrit un article dans la revue séguiniste « Respublica » (N° 1 déc 95) pour me féliciter d’un tel acte politique. Ma tribune avait déplu à certains gaullistes orthodoxes. Pourtant en la relisant aujourd’hui, je ne changerai pas une ligne. Voilà ce j’écrivais en 1995, à propos du discours de Jacques Chirac : « Si en 1945 l’attitude du Général de Gaulle et de René Cassin s’expliquait avant tout sur un plan politique auquel il fallait agréger une argumentation juridique afin de garantir l’unité du pays, en 1995 il était devenu moralement inadmissible de refuser d’admettre que « la France avait commis l’irréparable ». Au moment où l’épuration ethnique est à une heure de vol de Paris [Souvenez-vous de l’effondrement de l’Ex-Yougoslavie], où l’intolérance et l’extrême droite frappent aux portes de nos villes, devons nous raconter des histoires sur notre histoire ? Devons-nous proscrire de notre mémoire les enfants martyrs arrêtés le 16 juillet 1942 par des fonctionnaires français zélés ? Devons-nous mentir aux nouvelles générations en ayant comme unique base d’instruction le mensonge et l’oubli ? Jacques Chirac, en vrai gaulliste, a répondu avec humanisme et courage à ces interrogations. Cette réponse constitue les fondations d’une France maîtresse de son passé et donc de son destin… » A ce sujet, si je suis plus que reconnaissant à Jacques Chirac d’avoir porté en 1995 le discours du Vel d’hiv en particulier, et d’avoir fait accomplir à la France un vrai travail en matière de devoir de mémoire sur ses heures les plus sombres du 21ème siècle, en revanche je partage en partie l’analyse du dernier ouvrage de Pascal Bruckner « La tyrannie de la pénitence, essai sur le masochisme occidental ». Je considère que la France doit en finir avec les actes de repentances successifs concernant son histoire. Je n’accepte pas les dérives qui mènent, certains, dans l’indifférence ou la lâcheté généralisée, à comparer Napoléon à Hitler comme je l’ai entendu il y a quelques temps sans qu’aucun membre du gouvernement ne s’en émeuve. Un pays qui n’assume pas son histoire est un pays qui ne s’aime plus. En rendant hommage aux « Justes de France », Jacques Chirac a rendu hommage à la France que j’aime.