En apprenant ce matin, la disparition de Philippe Séguin, mes yeux se sont humidifiés. J’ai eu la chance de bien le connaître. Je garde de lui l’image d’un homme alliant exigence et passion. Très exigent vis-à-vis de lui-même, il l’était également dans l’action au service de la France et des Français. Il avait une conception de l’engagement politique qui se conjuguait avec indépendance et désintéressement. Il était, avant tout, un esprit libre de la République. Il a toujours agi en se référant à des valeurs celles de la République, à des convictions celles du gaullisme, à des principes ceux liés à l’intérêt général. Il ne pouvait supporter la médiocrité ou la démagogie. Toute sa vie il a été animé par la passion. A l’image du personnage aussi attachant que complexe, ses passions étaient multiples. Tribun d’exception, son amour pour la France se ressentait dans chacun de ses discours. Plume hors pair, homme d’une grande culture, féru d’histoire, grand connaisseur du cinéma, passionné du sport en général et du football en particulier, Philippe Séguin savait allier érudition et passions populaires. J’ai eu l’honneur de traverser comme « Marie-Louise » la décennie 90 à ses côtés. Je fus l’un des fondateurs du mouvement des jeunes séguinistes le « Rassemblement pour une Autre Politique (R.A.P) » qui, dans les années 90, faisait un peu parler de lui dans l’ombre de notre « grand homme ». Nous avions fait notamment une campagne ardente pour Jacques Chirac lors des présidentielles de 1995. Avec mes complices de l’époque -dont beaucoup sont devenus des amis pour la vie- Florent Longuépée, Jean-Christophe Comor, François Miclo, Xavier Malenfer, Nicolas de Boishue, Olivier Beyeler et bien d’autres, nous étions fiers d’accompagner Philippe Séguin dans son combat exigeant au service du pacte républicain. Pour ma part, je l’ai ensuite accompagné dans l’aventure du RPR, lorsqu’il en est devenu en 1997 le Président. Il m’a nommé Secrétaire national à la jeunesse. Je fus aussi durant cette période son chef de cabinet. Je garde de cette période des souvenirs inoubliables. Je me souviens de paris avec lui sur l’histoire footballistique. Alors que je pensais avoir dans ce domaine une certaine culture, je crois n’en avoir jamais gagné un :). Je me souviens surtout du lendemain des régionales de 1998, où certains de nos « amis » notables étaient prêts pour sauver places et prébendes à s’allier avec le Front National. En accord avec Jacques Chirac, il a « tenu » le mouvement. Je me souviens qu’il m’appela le dimanche qui suivait ce désastre électoral, pour me demander de passer le voir. Je courus le rejoindre rue de Lille et me retrouva dans son bureau en compagnie de Nicolas Sarkozy alors secrétaire général, François Fillon, alors porte parole et Roger Karoutchi alors directeur de cabinet. Il me dit « Vincent, pouvez vous réunir 2000 jeunes en deux jours ? ». Je répondis que oui. Et le mardi suivant, il fit un de ses plus beaux discours. Il mis ainsi le RPR hors des eaux nauséabondes. Il redonna à la droite son honneur qu’elle faillit perdre ainsi les moyens de remporter les élections de 2002. Je me souviens aussi de sa décision de venir à Paris. Je lui avais dit lors d’un tête à tête fin 1999 que je ne le sentais pas. J’avoue comme beaucoup de ses amis que j’avais d’autres ambitions pour lui. Mon inexpérience du combat politique et ma jeunesse ne pouvaient être des arguments convaincants. A partir de septembre 2000, il comprit qu’il ne pouvait devenir Maire de Paris tant la droite était divisée et tant les parisiens avaient soif d’alternance. Il mena jusqu’au bout cette bataille avec dignité, sens du sacrifice et dévouement. Après cette période, la vie a voulu que nos chemins se séparent. Ce matin, comme beaucoup d’anciens du R.A.P, je sais que son regard tendre, parfois triste, son exigence intellectuelle, sa voix grave, si particulière, qui savait si bien dire non, vont terriblement nous manquer. Je sais aussi ce que je luis dois. Je lui dois notamment d’avoir rencontré François Fillon aux côtés duquel j’ai comme collaborateur parcouru la décennie 2000. François a rendu ce matin à Philippe Séguin un hommage aussi émouvant que personnel. Un homme d’Etat a salué le « départ » d’un autre homme d’Etat. Je vous invite à l’écouter.
Intervention de François Fillon