C’était, comme on dit, un jour de pluie, et je me promenais dans notre cher arrondissement, revenant d’un petit restaurant «dont j’oublie ou j’ignore le nom» (André Breton, je pense, me pardonnera cette omission). Arrivant devant les gorgones qui ornent les portes de l’hôtel Amelot de Bisseuil (rue Vieille-du-Temple), je me rends compte que je suis à quelques mètres de la rue des Rosiers. J’ai toujours ressenti un agréable plaisir à parcourir cette voie pleine d’animation, où s’entremêlent les fils plus ou moins décousus des conversations. Je m’y engouffre donc avec résolution. Or, me voici tout à coup parti à la renverse, tel Fred Astairs au meilleur de sa forme. Je parviens à empoigner in extremis un poteau providentiel, qui m’évite de finir par terre. Riant extérieurement et pestant intérieurement, je fais mine de réajuster mon manteau, et me demande quelle peut bien être la cause de cette pirouette impromptue. Inspectant mes semelles, je constate que leur empreinte irrégulière leur évite de déraper. J’acquitte donc mes chaussures, et cherche un nouveau coupable… Se pourrait-il qu’il s’agisse du pavage utilisé lors de la rénovation de la rue des Rosiers, et qui lui donne une allure de voie piétonne, «folklore assuré» ? Je n’ose y croire. Je fais donc quelques pas avec circonspection, conscient que la moitié des passants m’observe du coin de l’œil. Deux loopings et un salto arrière plus tard, je me retrouve le nez dans le ruisseau. Il faut alors me rendre à l’évidence. Les uniques responsables de ce numéro improvisé ne sont autres que ces petites dalles luisantes de pluie, soigneusement équarries et alignées. C’est assuré : en fait de patinoire, le nouveau pavage de la rue des Rosiers peut difficilement être égalé !
Je trouve plutôt étrange que cette réalisation, apparemment coûteuse vu la qualité de la pierre employée, ait été effectuée avant d’autres priorités plutôt pressantes pour notre arrondissement. Pour se borner à ce qui est visible de tous, avez-vous remarqué que certaines pierres de corniche, sur le (noir noir noir !) massif-antérieur de l’église Saint-Paul-Saint-Louis, ont été remplacées par des blocs de béton ? C’est que cette façade, l’une des plus belles de l’architecture religieuse du Grand Siècle, est tout simplement en train de s’écrouler, faute d’une restauration non seulement souhaitable, mais surtout urgente.
Qui l’eût cru ? Les voies du Quatrième, ces derniers temps, sont pour le moins impénétrables !