Les juifs de France obtenaient pour la première fois la citoyenneté française en 1791. Pour asseoir leur émancipation, Napoléon créa en 1808 le Consistoire central, haute autorité du judaïsme français placée sous la férule de l’Etat. Et en 1867, Napoléon III fit ériger deux synagogues monumentales, dont l’une se trouve rue des Victoires et l’autre rue des Tournelles, dans le 4ème.
L’architecture des deux édifices témoigne de la volonté de l’empereur d’intégrer les juifs dans l’Empire. Ainsi, en érigeant ces synagogues aussi majestueuses que des églises, l’empereur mettait-il le judaïsme sur un pied d’égalité avec le culte d’Etat. La présence d’un orgue et d’une chaire qui, traditionnellement, n’ont pas leur place dans une synagogue, symbolise le rapprochement avec l’Empire sur le plan religieux. Enfin, sur le plan politique, ces synagogues tournent le dos à Jérusalem, pour signifier que les juifs « quittent la nation juive pour entrer dans la nation française », selon la formule consacrée à l’époque.
Bien sûr, ces altérations suscitèrent la méfiance de certains ; l’ingérence de l’Etat dans la tradition ancestrale rappelait de mauvais souvenirs. Mais la liberté de culte et l’égalité de droits dont jouissaient les juifs étaient réelles. Aussi la communauté juive accepta-t-elle de bonne grâce les modifications.
La synagogue des Tournelles fut construite à l’emplacement d’une petite synagogue incendiée pendant la Révolution. Sa structure, réalisée en acier, est l’œuvre des Aciéries et Forges de Normandie où exerçait entre autres Gustave Eiffel. A l’origine, elle était de rite ashkénaze (d’Europe). Après la guerre, la communauté des Tournelles, très affaiblie par les déportations, se recomposa avec l’arrivée des juifs séfarades (d’Afrique du Nord), ce qui conduisit à y célébrer les offices selon ce rite dès 1958.
Aujourd’hui, la synagogue des Tournelles est le symbole d’un véritable judaïsme républicain à la française. Elle accueille une communauté juive très vivante : des offices y sont célébrés matin et soir. Les offices du shabbat, auxquels les fidèles sont particulièrement nombreux à assister, sont l’occasion de réciter la traditionnelle "prière pour la France".
En 1987, l'immeuble a été classé monument historique. Depuis la séparation de la religion et de l'Etat, les fidèles des Tournelles s'acquittent d'un loyer envers la Mairie de Paris.
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